Deux évènements médiatiques, qui n'avaient apparemment rien en commun, m'ont inter pelé la semaine dernière. D'abord l'émission de la chaîne française Canalplus intitulée Kindia2015 qui a été diffusée sur la chaîne le 20 novembre à 20 heures 55. Ensuite, une initiative d'une ONG norvégienne, le SAIH (The Norwegian Students and Academics International Assistance Fund) qui a fait le buzz sur l'Internet : Radi-Aid sous titrée "Africa For Norway" accompagnée d'une vidéo qui totalise plus de 1 300 000 vues en quelques jours.
Ces deux évènements ont, en fait, un lien : l'aide ou l'assistance aux populations démunies d'Afrique subsaharienne. En effet, l'émission de Canalplus "propose une aventure inédite en télévision en s'engageant, au-delà des écrans, dans une action de long terme. Pendant quatre ans, les équipes de la chaîne vont accompagner des projets de développement entre la France et la Guinée, un des pays les plus pauvres au monde, et plus précisément dans la région de Kindia" comme il est expliqué sur le site dédié au projet. Ainsi les télespectateurs, émus par ce qu'ils ont vu, pourront participer en faisant des dons. Un site Internet a été créé pour permettre de donner en ligne. La puissance de la télévision au service de l'aide humanitaire à l'Afrique. Le projet "Africa For Norway" interpelle aussi les consciences sur l'aide aux populations africaines. Mais c'est pour nous interroger sur l'effet produit par les campagnes des ONG qui travaillent dans l'humanitaire ou l'aide au développement en Afrique. En effet, cette vidéo humoristique montre une opération fictive montée par les Africains pour venir en aide aux Norvégiens qui risquent de mourir de froid cet hiver. Une collecte de radiateurs (d'où le nom de l'opération : "RADI-AID") est organisée pour les envoyer en Norvège où les populations sont frigorifiées. Et tout ça façon "USA FOR AFRICA" des années 80. Avec la chanson qui va avec. On peut lire sur leur site : "Imagine if every person in Africa saw the “Africa for Norway”-video, and this was the only information they ever got about Norway. What would they think about Norway?". Eh oui ! Si les Africains n'avaient de la Norvège que cette image, ce serait inquiétant. Un Norvégien débarquant en Afrique serait immédiatement regardé à travers le prisme déformant d'une image fausse. Avec tout ce que cela comporte de condescendance, pitié, rejet peut-être... Et pourtant, c'est ce qui se passe à longueur d'année pour ce qui concerne les Africains. Des images atroces de bébés décharnés, de destructions provoquées par des guerres fratricides, d'enfants soldats, j'en passe, et des pires, nous sont régulièrement servies à des heures de grande écoute. Et on se pose rarement la question de l'impact négatif que cela pourrait avoir sur les populations occidentales (Europe de l'ouest et Etats-Unis d'Amérique principalement). Je pense que les concepteurs de ces campagnes devraient y penser un peu plus souvent. Car la situation de grave crise économique que vivent les occidentaux les fragilise encore plus. Et les raccourcis de pensée se prennent plus facilement.
Que l'on se comprenne bien : des opérations comme Kindia2015 sont, à mes yeux, à saluer. D'abord et surtout parce que les bénéficiaires seront des populations qui ont besoin d'être aidées. Ensuite parce qu'en comblant l'énorme fossé de niveau de vie qui persiste entre les Occidentaux et les Africains, c'est l'Occident qu'on aide. Car, même si ce n'est pas encore évident pour tous, une femme ou un homme ne se sentira jamais mieux ailleurs que sur la terre qui l'a vu naître et grandir. Pour peu que les conditions de sa survie et de celle des siens y soient réunies. Ce n'est malheureusement pas encore le cas pour beaucoup d'Africains. Et ces malheureux finissent par prendre des risques fous pour rallier l'"eldorado" occidental. Au péril de leur vie. Alors oui, Kindia2015 et d'autres initiatives du genre sont les bienvenues. Mais attention, l'Afrique et les Africains ce n'est pas que cela.