Hier, en écoutant Radio France International (RFI), la radio qui me permet de rester en contact avec le Sénégal et l’Afrique, un petit reportage m’a fait sursauter. Il s’agissait de l’entretien accordé à RFI par monsieur Thierry Frémaux, directeur artistique du Festival de Cannes 2006. Dans cette interview, en parlant de la présence de messieurs Souleymane Cissé (dans le jury de la Cinéfondation et des courts métrages) et Abderrahmane Sissako (qui présente, hors compétition, son film Bamako), monsieur Frémaux a souligné que « l’Afrique est un pays... » qui comptait beaucoup pour les organisateurs du Festival de Cannes ! Allons donc ! L’Afrique serait un pays ! Je ne me permettrais pas de douter de l’intérêt que porte ce monsieur au continent noir, mais tout de même ! Quand on confond continent et pays, au mieux il s’agit lapsus révélateur… (de quoi d’ailleurs ?), au pire, il s’agit d’un manque d’intérêt évident voire d’une méconnaissance totale de l’Afrique. Dans les deux cas, la démonstration de l’intérêt que porte le Festival à ce continent entier qu’est l’Afrique est faussée. Comment peut peut-on montrer de l’intérêt (dans le sens noble du mot) pour un continent qu’on réduit, dans ses propos, à un pays !
Je ne me serais sûrement pas arrêté à cette « petite bourde » de monsieur le Directeur artistique du Festival de Cannes si je n’avais constaté cette propension de beaucoup (beaucoup trop pour moi) de gens, en France, de parler de l’Afrique comme d’un pays. Alors que ce continent compte plus de 50 Etats souverains ! Et c’est, pour le moins, énervant. Pour ces gens, l’Afrique est devenue tellement quantité négligeable que ce n’est même plus la peine de distinguer le Nigéria du Mali ou la Cote d’Ivoire du Zimbabwé. C’est tout pareil. Tous des Etats noirs, pauvres, et empêtrés tous dans toutes sortes de difficultés. Les pires fléaux s’y déroulent. Voila, c’est la même chose partout. Alors on réduit tout cela à un pays qui s’appelle l’Afrique. On en est là. Dans certains esprits. Et c’est catastrophique. Parce que derrière une telle réduction se cache une condescendance, un paternalisme, voire – par moments – un mépris qui font le lit de toutes les xénophobies (cachées ou avouées) et de toutes les incompréhensions. Et ce n’est pas tolérable, surtout de la part de personnalités qui ont la chance de voyager, de rencontrer d’autres cultures, d’autres pays.
Et cela me rappelle une scène que j’ai personnellement vécue, alors que j’étais étudiant en province. A la cafétéria de la cité universitaire un étudiant Sénégalais qui discutait avec moi en Wolof (une des langues nationales du Sénégal) s’est vu apostropher par un des ses copains de fac, Français, en ces termes : « je ne me suis pas trompé, tu lui parlais en Africain ? » et l’autre de répondre du tac au tac : « parce que toi, tu me parles en Européen peut-être ! ». Réduction… quand tu nous tiens !
M. Mady DANFAKHA